Les Archives historiques de l’Union européenne ont numérisé et téléchargé dans leur banque de données en ligne 328 dossiers de procédure de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) complétés de leur inventaire analytique. Les dossiers concernent les affaires dont la Cour a été saisie en 1990 et sont consultables selon les conditions d’accès indiquées dans l’inventaire.
Les affaires de 1990 ont donné lieu à un certain nombre de décisions importantes dans l'application du droit de l'Union européenne, établissant ou renforçant la jurisprudence sur des questions telles que la responsabilité de l'État, l'effet direct du droit européen et la primauté du droit communautaire. Deux affaires significatives concernant ces principes ainsi que le rôle des citoyen.nes dans la responsabilisation des gouvernements nationaux quant au respect des obligations de l'UE en matière de garantie de leurs droits individuels, sont résumées ci-dessous.
Andrea Francovich et Danila Bonifaci et autres contre République italienne
Dans l'affaire Francovich contre Italie (affaires jointes C-6/90 et C-9/90 ; identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:428), la Cour a répondu à des questions soulevées par la Pretura di Vicenza (dans l'affaire C-6/90) et par la Pretura di Bassano del Grappa (dans l'affaire C-9/90) concernant l'effet direct du droit communautaire et la responsabilité de l'État pour les dommages subis par les particulier.ères en raison de la non-application du droit communautaire.
Ces questions découlent de deux affaires italiennes relatives à la Directive 80/987 du Conseil, qui vise à protéger les droits des travailleur.euses salarié.es en cas d'insolvabilité de leur employeur. La directive exigeait des États membres qu'ils veillent à ce que les travailleur.euses soient indemnisé.es pour les salaires impayés en cas de faillite de leur employeur.
Dans les affaires en question, les travailleur.euses n'ont pas pu réclamer les indemnités garanties par la directive 80/987 du Conseil parce que l'Etat italien ne l'avait pas encore transposée dans sa législation. Les travailleur.euses ont fait valoir que le fait que l'Italie ne se soit pas conformée à la directive européenne les privait de la possibilité de réclamer réparation à laquelle ils avaient droit en vertu du droit communautaire.
Dans son arrêt, la Cour a donné raison aux travailleur.euses. Les juges ont réaffirmé l'effet direct du droit communautaire, ce qui signifie que les particulier.ères peuvent invoquer le droit communautaire directement devant les tribunaux nationaux pour faire valoir leurs droits si une directive européenne n'est pas transposée de manière adéquate dans le droit national. Ils ont également clarifié le principe de la responsabilité de l'État, en déclarant qu' « Il […] résulte que le principe de la responsabilité de l'État pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire qui lui sont imputables est inhérent au système du traité». En outre, dans son arrêt, la Cour a défini les conditions de la responsabilité de l'État, en stipulant que la règle de l'UE doit accorder des droits aux particulier.ères, que la violation doit être suffisamment grave et qu'il doit y avoir un lien direct entre la violation et le dommage.
En tenant les États pour responsables des dommages subis par les particulier.ères suite au manque de transposition effective des directives européennes dans les systèmes juridiques nationaux, l'arrêt Francovich peut être considéré comme une décision qui a renforcé les droits des travailleur.euses, des particulier.ères et l'État de droit dans l'ensemble de l'Union européenne.
Emmott contre Minister for Social Welfare et Attorney General
Parmi les dossiers de procédure désormais disponibles, une autre affaire significative est l'affaire Theresa Emmott contre Minister for Social Welfare et Attorney General (affaire C-208/90 ; identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:333), qui a eu une incidence à la fois sur la suprématie du droit communautaire et sur le principe de l'effet direct. La question posée dans cette affaire est de savoir si les tribunaux nationaux doivent appliquer ou ignorer les lois nationales lorsque celles-ci contredisent les règlements de l'UE.
Dans cette affaire, Theresa Emmott, une femme mariée, a demandé une prestation sociale d’invalidité au gouvernement irlandais. Conformément à la législation européenne à savoir la directive 79/7 du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en œuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, la législation irlandaise aurait dû lui permettre de bénéficier de cette prestation, étant donné que la réglementation régissant les allocations familiales s'appliquait à tous les États membres de l'Union européenne. Toutefois, à l'époque, la législation irlandaise n'était pas entièrement conforme à la législation européenne et T. Emmott s'est vue refuser le niveau de prestations accordé à l'époque aux hommes mariés dans la même situation. L'affaire Emmott a soulevé la question de savoir si les autorités irlandaises pouvaient lui refuser les prestations, alors qu'elle y avait droit en vertu de la législation européenne interdisant la discrimination fondée sur le sexe.
Par cet arrêt, la Cour décide qu'en cas de conflit entre le droit national et le droit communautaire, les tribunaux nationaux doivent donner la prévalence au droit communautaire. Ainsi, si un règlement ou une directive de l'UE confère aux individus des droits spécifiques, les gouvernements nationaux doivent respecter et faire respecter ces droits, même si leurs propres lois les contredisent. Cela renforce la primauté du droit communautaire. En outre, cet arrêt consacre l'effet direct du droit communautaire. En d'autres termes, les individus peuvent se prévaloir des droits engendrés par le droit de l'UE et invoquer directement le droit de l'UE devant les juridictions nationales et européennes, indépendamment de l'existence ou non du critère du droit national.
De la même manière que dans l’affaire Francovich, l'affaire Emmott v. Minister a renforcé le cadre juridique pour les citoyen.nes dans l'ensemble de l'UE, en garantissant une application cohérente du droit communautaire, même en présence de lois nationales contradictoires.
Les archives historiques de la Cour aux AHUE
Les archives historiques de la Cour de justice des Communautés européennes sont consultables en ligne selon les conditions d'accès indiquées dans l’inventaire.