Les archivistes des Archives historiques de l'Union européenne (AHEU) ont achevé l'inventaire des 753 dossiers de procédure originaux relatifs à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJUE) pour les années 1986 et 1987.
Parmi les affaires couvrant les années 1986 et 1987, plusieurs ont eu d’importants effets sur le droit de l’Union, notamment concernant l’effet direct et la libre circulation des personnes.
Effet direct
En 1986, la Cour a examiné des affaires relatives à l'effet direct du droit communautaire, un principe fondamental du droit européen. L'effet direct permet aux individus d'«invoquer directement le droit de l’UE devant les juridictions nationales et européennes, indépendamment de l'existence du critère de droit national».
Dans l'affaire Zaera 126/86, le Tribunal Central de Trabajo espagnol a demandé à la Cour de statuer à titre préjudiciel sur des questions concernant l'interprétation des articles 2, 117 et 118 du traité instituant la Communauté économique européenne (CEE). Ces articles avaient été invoqués dans le cadre d'un recours contre une règle fixée par le système national de sécurité sociale espagnol concernant le cumul des pensions et des émoluments.
Dans son arrêt, la Cour a déclaré que ni « les orientations générales de la politique sociale définie par chaque État membre ni les mesures particulières arrêtées dans ce cadre ne sauraient faire l’objet d’un contrôle juridictionnel quant à leur conformité aux objectifs sociaux énoncés dans l'article 117 du traité ». Dans l'affaire Zaera 126/86, la Cour a énoncé que « ni l'article 2, ni les articles 117 et 118 du traité CEE ne s'opposent à l'introduction par une législation nationale d'une interdiction de cumul d'une pension de retraite avec un traitement de fonctionnaire comportant une réduction du revenu des intéressés ».
Dans l'affaire Kolpinghuis Nijmegen 80/86, la Cour a été invitée à se prononcer sur des questions concernant les efforts juridiques d'une autorité nationale pour utiliser une directive européenne contre un individu, bien que ce pays n'ait pas encore mis en œuvre la directive.
La Cour a jugé qu'«une autorité nationale ne peut pas se prévaloir, à charge d’un particulier, d’une disposition d'une directive dont la transposition nécessaire en droit national n'a pas encore eu lieu».
Elle a également jugé qu’ «en appliquant le droit national […], la juridiction nationale est tenue d'interpréter son droit national à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé à l'article 189, alinéa 3, du traité », mais - à la lumière des « principes généraux de droit qui font partie du droit communautaire et notamment dans ceux de la sécurité juridique et de non-rétroactivité, une directive ne peut, dès lors, pas avoir comme effet, par elle-même et indépendamment d'une loi interne prise par un Etat membre pour son application, de déterminer ou d'aggraver la responsabilité pénale de ceux qui agissent en infraction à ses dispositions ».
La libre circulation des personnes
Deux importantes affaires en 1987 traitaient la libre circulation des personnes, plus particulièrement celle des travailleurs. La première portait sur une question relative à la notion de « travailleur », tandis que la seconde traitait des droits et des privilèges des travailleurs.
Dans l'affaire Bettray 344/87, la section du contentieux du Raad van State, le Conseil d’Etat néerlandais a posé à la Cour la question de savoir si une personne engagée dans un programme de rééducation doit être considérée comme un «travailleur» au sens de l'article 48 du traité CEE. Au cœur de l'enquête se trouvait une procédure engagée par un ressortissant allemand (Bettray) qui s'était vu refuser un permis de séjour aux Pays-Bas, malgré sa participation à un programme d'emploi social organisé par un programme public de réhabilitation.
Dans son arrêt, la Cour a déclaré que « l'article 48, paragraphe 1, du traité CEE doit être interprété en ce sens qu'un ressortissant d'un État membre employé dans un autre État membre sous un régime tel que celui institué par la WSW (loi néerlandaise sur l'emploi social), dans lequel les activités exercées ne constituent qu'un moyen de rééducation ou de réinsertion, ne peut se voir reconnaître, à ce seul titre, la qualité de travailleur au sens du droit communautaire ».
Groener C-379-87 a demandé à la Cour de se prononcer à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 48, paragraphe 3, du traité CEE et de l'article 3 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté. L'affaire portait spécifiquement sur «l’exigence de connaissances linguistiques» figurant à l'art. 3, paragraphe 1, du règlement du Conseil n° 1612/68. Anita Groener, ressortissante néerlandaise, s'était vu refuser un poste permanent à plein temps de professeur d'art en Irlande après avoir échoué à un test obligatoire de connaissance de la langue irlandaise.
La Cour a statué qu’« un poste permanent de professeur à plein temps dans les institutions publiques d'enseignement professionnel est un emploi de nature à justifier l'exigence de connaissances linguistiques, au sens de l'article 3, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement n° 1612/68 du Conseil, pour autant que l'exigence linguistique en cause s’inscrive dans le cadre d'une politique de promotion de la langue nationale qui est en même temps la première langue officielle, et que cette exigence soit mise en œuvre de façon proportionnée et non discriminatoire ».
Le fonds de la CJUE aux AHUE
Les chercheurs peuvent consulter les documents d'archives de la Cour de justice de l’UE selon les conditions d'accès spécifiées dans l’inventaire. L'inventaire du fonds de la CJUE est consultable ici.